Festivals de l'été : D'où viennent les artistes ?

Festivals de l'été : D'où viennent les artistes ?

MUSIQUE - Avec Solidays ce week-end, la grande saison des festivals commence.

MUSIQUE - Avec Solidays ce week-end, la grande saison des festivals commence. L'année 2013 ne fera pas exception, les artistes internationaux squattent les têtes d'affiche. Souvent vus comme des valeurs sûres, ils sont un filet de sécurité pour certains programmateurs qui s'assurent une affluence, à une époque où le secteur de la musique est en difficulté. Chacun, à sa manière, jongle avec les nationalités, entre volonté d’ameuter les spectateurs ou de conserver une identité.
 
Les organisateurs de festivals le savent, faire venir un artiste étranger est un équilibre entre prise de risque et attractivité. A notoriété égale, programmer un groupe américain coûte plus cher qu'un groupe français. Les programmateurs jouent donc avec les tournées. Plus le groupe est programmé en France, moins les frais sont importants. En somme, programmer Asaf Avidan (présent dans 12 des 28 festivals étudiés) n'est pas une grande prise de risque. Mais certains festivals subissent alors une critique acerbe: ils se ressemblent tous. Main Square, Solidays, Eurockéennes, les redites sont en effet nombreuses.
 
D’autres ont donc décidé de miser sur la scène internationale tout en restant le plus exclusif possible. Dans cette catégorie, on retrouve notamment les festivals spécialisés comme le Hellfest. Créé en 2006 et véritable tribune pour les musiques extrêmes (la scène métal et ses nombreux dérivés), il est devenu le troisième festival rock de France avec 114.000 entrées payantes l'an dernier. Et qui dit metal dit pays scandinaves. Depuis une vingtaine d'années, ces derniers font office d'eldorado de la distorsion et de la double-pédale. Le Hellfest assure presque à lui seul la présence d'artistes norvégiens ou suédois sur les grandes scènes estivales.
 
De même pour le Reggae Sun Ska, premier festival de musiques jamaïcaines et ses 85.000 entrées en 2012. "On est sur une niche, explique Fred Lachaize, programmateur du Reggae Sun Ska. On programme des artistes que personne d'autre ne fera venir.On appelle ça du one shot. Beaucoup de nos artistes viennent de Jamaïque. Il faut s’occuper du visa, du permis de travail..." Particularité des artistes jamaïcains, la possibilité de jouer avec des musiciens locaux, des backing-bands européens. Pour les festivals, les coûts sont réduits.
Quand les artistes étrangers envahissent certains festivals, d'autres y restent fortement hermétiques. C'est le cas des Francofolies de La Rochelle, terre d'asile de la scène française en son pays. Pour sa vingt-neuvième édition, pas d'exception. "La scène française, c'est 95% de notre identité", argumente Marc Cardonnel, directeur de la programmation. Les Francos misent sur "les pépites", les créations originales. Une autre manière de faire du one shot, de prendre des risques.
 
Organiser un festival est un travail sur toute l'année. "On est tout le temps sur la route", raconte Fred Lachaize du Reggae Sun Ska festival. "On a développé une boîte de production. Cela facilite les contacts, on participe aux tournées de certains jamaïcains. On réduit les intermédiaires, donc les frais." Notons que les festivals comprenant les pourcentages d'artistes français les plus faibles se situent soit dans une niche (Le Hellfest, La Route du Rock, Rock en Seine, Garance Reggae Festival) soit dans l'éclectisme musical le plus large (Les Suds, Le Bout du Monde, Les Escales).
 
Un secteur en pleine mutation
 
Mais qu'ils soient français ou étrangers, les cachets des artistes explosent. Face aux ventes de disques anecdotiques pour certains, il faut compenser. "Les chanteurs et les groupes se rattrapent sur le live, explique François Floret, directeur de la Route du Rock à Saint-Malo. Ça n'a jamais été aussi vrai qu'en 2013." Le festival malouin programme 90% d’artistes étrangers. "D'une certaine manière, ils sont plus faciles à faire venir qu'avant. Mais faire ce que l'on fait, c'est une grosse prise de risque vu la conjoncture. Pour le moment, ça marche, mais il faut faire très attention. Notre budget programmation est de 400.000 euros, alors que le budget total est de 1,3 millions. C'est énorme en terme de pourcentage (30.77% ndlr), mais c'est ce qui fait notre identité, on y tient."
 
Pour Aurore Despretz, qui a monté ADZ Booking il y a trois ans, caler certains artistes dans les programmations des festivals devient compliqué: "Globalement, les programmateurs sont plus frileux lorsqu'il s'agit d'un projet découverte. Il y a moins de prise de risque. Je fais tourner des artistes de hip-hop américains. Quand je leur propose une date, il faut qu'elle soit greffée, qu'il y en ait d'autres à côté. Sinon, ça ne les intéresse pas."
 
Les festivals : un marché
 
Marc Cardonnel, des Francofolies, ajoute: "La France est un marché important pour les groupes car il y a beaucoup de festivals qui ont un bon potentiel économique. Mais le marché s'est décomplexé. Il suffit de regarder les ventes de disque, c'est un combat qui dépasse les festivals. L’Europe de l'Est devient un concurrent. Ils ont un modèle économique à base de sponsors. Quand les artistes internationaux voient ça, ils n'hésitent plus à y aller. Aux Francofolies, on se protège grâce à notre thématique. Bon, il ne faut pas se leurrer, on cherche tous des sponsors. Mais certaines marques se mettent à créer des événements qui portent leur nom."
 
Et que dire du développement de Live Nation Entertainment ? Cette société américaine de promotion et d'organisation de spectacles est devenue propriétaire du Main Square d'Arras en 2008. Véritable mastodonte, l'entreprise cotée en bourse s'occupe de A à Z des tournées de nombreux artistes. Outre les stars internationales, Thirty Seconds to Mars ou Raggasonic se sont offert ses services. Le danger à moyen terme: supprimer la prise de risque qui fait que certains festivals français continuent à miser sur la qualité et non sur la publicité.
 
10 chiffres : Dans les 28 plus gros festivals français de l’été :
55 pays sont représentés.
1 artiste allemand sur deux est un artiste électro.
89,1% des prestations d’artistes jamaïcains se font au Reggae Sun Ska et au Garance Reggae Festival (dont 53% pour Garance).
Asaf Avidan représente à lui seul 85,7% des prestations des artistes israéliens.
Les artistes français représentent 44,8% des prestations (540 sur 1205).
2,5% des artistes présents au Hellfest sont programmés dans un autre des 28 festivals (4 sur 159).
Le festival où le plus petit nombre de pays sont représentés est le Garance Reggae Festival (3 pays) suivi de Lives au Pont (5 pays).
Le festival où le plus grand nombre de pays sont représentés est le Hellfest (23 pays) suivi du Bout du Monde (21 pays) puis de Blues Cognac (17 pays).
Les artistes pop, rock et électro représentent 47,1% des artistes programmés.
Le continent le moins représenté est l’Asie, avec 15 artistes pour 27 prestations.
 
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