Ah qu'il est loin le temps où l'influent Wired titrait "le Web est mort, vive Internet!" Nous étions en 2010 et le secteur technologique se passionnait pour les nouvelles utilisations, notamment les applications mobiles de l'App Store d'Apple, qui fête ses 5 ans ce 10 juillet. Le postulat était simple: le Web tel qu'on le connaît serait sur le déclin au bénéfice des "applis".
Bien que de plus en plus connectés, selon le magazine, les internautes auraient utilisé de moins en moins les navigateurs classiques (Chrome, Firefox, Internet Explorer, Safari). Wired croyait ainsi voir l'avenir à travers le prisme des "apps", qui nous permettent par exemple de consulter la météo ou recevoir nos mails sur un smartphone ou une tablette. Pourquoi s'embêter à utiliser un ordinateur, quand on peut accéder à du contenu précis en un simple glissement de l'index?
Aujourd'hui le Web n'est pas mort, mais ses usages ont bien changé. Le trafic des sites web se met à baisser légèrement (-2,3% au premier trimestre 2013 selon AT Internet), quand la fréquentation depuis les applications explose (+80% par rapport à 2012). Des chiffres à relativiser, car les ordinateurs regroupent encore 92% des connexions en France (mais seulement 68% au Royaume-Uni).
Quand bien même: on ne sait plus comment faire pour circuler dans les rues sans Google Maps, les réseaux sociaux ont gagné en richesse et en instantanéité, on regarde de plus en plus la TV sur des supports mobiles...
Apple et Google totalisent 100 milliards de téléchargements
Il existe désormais des "apps" pour tout. On réserve son billet d'avion en un clic sur Govoyages, on fait ses virements bancaires, on commande son chauffeur géolocalisé avec Uber ou SnapCar, on utilise des outils de reconnaissance visuelle en allant au musée pour en savoir plus sur les œuvres... Apple revendique 850.000 applications différentes sur son magasin en ligne, le plus important du marché. Google Play en propose 700.000, quand Microsoft n'en offre que 50.000 sur son Windows Store.
Le succès a été immédiat pour Apple, qui avait déjà son iPhone sur le marché pour propulser sa boutique en 2008. En trois jours, 10 millions de téléchargements ont été enregistrés, puis 100 millions au bout de deux mois. En cinq ans, la firme de Cupertino indique avoir passé la barre vertigineuse des 50 milliards de téléchargements. Google devrait passer devant d'ici la fin de l'année, en faveur d'un nombre de terminaux plus important.
Pour les quatre principaux magasins d'applications pour mobiles c'est le carton plein, avec 27 milliards de dollars qui seront générés en 2013. Mais l’App Store est très loin devant les autres au niveau de la rentabilité. Selon ABI Research, Apple va s'accaparer les deux tiers des revenus. Et ce n’est pas prêt de changer. Pour le cabinet d’analyse, la pomme sera toujours en tête dans 18 mois.
Quelques grands succès, mais pour combien d'échecs ?
Certaines applications sont à leur tour devenues de véritables machines à cash, à l'image du célèbre jeu Angry Birds. Son éditeur, le Finlandais Rovio, est valorisé à plus de 1,5 milliard d'euros. Il envisage de faire son entrée sur les marchés financiers. Le rachat d'Instagram par Facebook pour un milliard de dollars, contribue également à entretenir le mythe du nouvel eldorado.
Le succès pour les développeurs reste toutefois relatif. En effet, les 25 applications les plus populaires de l’App Store d’Apple représentent 75% des téléchargements. Quand on sait qu'un détenteur d'iPhone possède en moyenne 30 "apps" sur son smartphone... "Avoir une application classée dans le Top 25 ou le hit-parade de l’App Store est crucial car plus de la moitié des visiteurs ne se rendent pas au-delà des 25 premières applications", considère l'agence Surikate, chargée de l'étude.
Il est donc très difficile d'exister sur le magasin en ligne si l'on ne s'appelle pas Facebook ou Twitter. Les petits développeurs ont du mal à percer, tout en reversant une commission de 30% à Apple et Google sur chaque téléchargement.
"Apps" ou sites mobiles: avantages et inconvénients
Il y a deux écoles, mais tout porte à croire que les pro-"apps" ont des arguments en leur faveur. L’utilisation d’applications présente de nombreux avantages, comme l’accès à la liste de contacts ou aux réseaux sociaux. Cela offre un champ d’interactivité important, en rajoutant aussi l'accès à l'appareil photo ou à la géolocalisation. De plus, grâce aux notifications "push" (les infos de dernière minute par exemple) on réduit les coûts liés aux SMS. La sécurité est également supérieure, ce que les utilisateurs d'apps bancaires plébiscitent. Les applications sont aussi accessibles sans connexion.
Le site mobile, visité simplement par le navigateur internet d'un smartphone, a pour lui l'avantage d'être présent sur tous les supports, que vous ayez un système Apple, Google, Microsoft ou BlackBerry. Eh oui, une "app" disponible sur tous les environnements fait monter l'addition. Toujours niveau finance, développer un site mobile est bien moins onéreux qu’une application iPhone (comptez entre 20.000 et 150.000 euros pour le haut du panier). Et si le développeur a du talent, il peut le faire ressembler à une application (voir celui du HuffPost!)
Le sens de l'histoire semble porter l'application au sommet des utilisations grand public. Bien que les ordinateurs classiques soient encore pourvoyeurs de la majorité des connexions, même eux franchissent le pas. Un Mac App Store permet désormais aux utilisateurs de la pomme de télécharger leurs logiciels de bureau. Pareil pour Google qui a fait le pari de son Chrome Store sur ses ordinateurs, sans parler de Windows 8 qui s'est carrément plié à l'architecture mobile... Alors, le web libre et ouvert est-il mort? On peut dire qu'il bouge encore, mais que ses jours sont comptés.
source : www.huffingtonpost.fr