Le désir masculin aurait-il le même coup de fatigue que notre économie ? Serait-il en berne ? On voit à l'heure actuelle dans les médias une mise en lumière inhabituelle des problèmes sexuels chez les hommes. Après différents mouvements de société, ces dernières décennies, poussant la femme à s'épanouir sexuellement, va-t-on constater qu'une avancée d'un côté entraîne un recul de l'autre ?
Il n'aura échappé à personne qu'un laboratoire pharmaceutique diffuse massivement un spot publicitaire à la télévision pour parler du problème masculin de l'éjaculation précoce. L'allumette s'enflamme seule et c'est un éjaculateur précoce, à deux, tout va mieux. Certes, la symbolique d'un feu de paille synchronisé mérite quelque discours, mais ce qui est subjuguant, c'est d'aborder le sujet aux heures de grandes écoutes. On quitte l'évocateur « coq » qui fut longtemps le symbole national de la France – il existe des dizaines de dictons qui mettent en avant la vigueur masculine en utilisant l'animal pour métaphore - pour passer à la modeste allumette ; mais ce qui est particulièrement piquant est de voir comment le sujet est mis sur la table, si je puis dire.
Plus gravement, Le Monde titrait ces derniers jours sur « le viol, onzième plaie d'Égypte », un viol dont la signification est complexe a interpréter car elle n'est poussée ni par le désir, ni par la frustration : « Il ne s'agit pas de quelques violeurs qui, à tour de rôle, abusent de leur victime, mais de dizaines, voire de centaines d'hommes, qui se jettent sur une ou plusieurs femmes, souvent lors d'une manifestation, pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts, les battre ou les blesser ». Pénétrer avec les doigts, en faisant abstraction du pénis, montre un rejet du corps féminin. Il est entendu par bon nombre de psychologues que la violence sexuelle opérant à une telle échelle est le plus souvent due à une volonté de s'opposer à des lois ou des tendances politiques à vouloir instaurer une égalité des genres, ce qui n'est plus guère le cas en Égypte, mais peut-être que les Égyptiennes trinquent au nom de la libération des Occidentales. Le doigt ici ressemble, symboliquement, à celui qui est vulgairement levé pour insulter. Aucun désir sexuel n'est à assouvir.
Le Figaro, rapportant sur les dernières assises françaises de sexologie et de santé sexuelle qui ont eues lieu récemment à Perpignan, titrait sur la perte de l'appétit sexuel chez l'homme, coupant court aux idées reçues selon lesquelles ce sont les femmes qui invoquent une migraine pour échapper aux rapports sexuels. Ce serait maintenant les hommes qui souffriraient d'une baisse ou d'une absence de désir, principalement pour des raisons de stress. Mais pas uniquement, selon le psychiatre Philippe Brenot, directeur des enseignements de sexologie à l'université Paris-V : « Les nouvelles générations d'hommes ne vivent pas vraiment une baisse de désir, observe-t-il, mais affirment celui-ci avec une certaine hésitation car il leur faut à la fois être doux (proches affectivement des femmes) et solides (physiquement). Cela crée une posture incertaine, qui les désoriente. »
Cette succession de nouvelles reflètent toutes d'une fragilisation vécue, crainte ou appréhendée, des codes virils, et semble vouloir dire aux femmes à quel point l'équilibre homme-femme est complexe : désirante, la femme effraie depuis la nuit des temps (Lilith et Adam se sont séparés en partie à cause de l'appétit sexuel qu'elle manifestait), mais lorsqu'elle était muette sur son désir, elle n'était pas assez excitante.
Que beaucoup d'hommes soient troublés par la visibilité donnée au plaisir féminin est un fait compréhensible, mais quand le dialogue ne s'installe pas au sein des couples pour trouver quel est leur juste équilibre, l'émancipation féminine s'en trouve tout autant fragilisée que la délicate question de l'érection masculine...
source: www.terrafemina.com